En cette 4e soirée de l’année 2010-2011, Paroles d’Encre a invité Robert Solé, né en Egypte et venu en France à 18 ans, que vous avez beaucoup entendu sur les ondes lors de la révolution égyptienne comme spécialiste de la société de ce pays. La deuxième invitée est Maylis de Kerangal, qui vient ici pour la première fois.
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Au départ éditrice, Maylis de Kerangal a arrêté cette activité pour se consacrer à l’écriture. Après avoir connu un beau succès en librairie pour Corniche Kennedy, roman se passant à Marseille, l’auteur a souhaité travailler sur l’amplitude, après avoir écrit sur les choses plus resserrées.
L’idée d’écrire sur un pont est venue de là, mais aussi de la problématique de la conciliation. Maylis de Kerangal a voulu étudier un objet qui raccorde des choses hétérogènes, voire antagonistes, et était intéressée par la tension qu’incarne cette capacité à unir des opposés. Dans le cas de ce roman, il s’agit de l’union d’une ville et d’une forêt. La romancière s’est posé une question : est-ce qu’un pont relie deux territoires ou en crée un troisième ? L’opposition entre la ville ouverte et la forêt immobile, impénétrable, close, matérialise cette question. Le fleuve est une frontière poreuse et le pont, s’il est utile, représente aussi une menace car il modifie le paysage, créant sans doute ce troisième territoire.
Elle s’est bien entendue inspirée de ponts comme celui de Tancarville ou la construction du pont de Normandie, ainsi que ceux de Millau, Lisbonne, Vasco de Gama… Le roman se déroule dans un lieu fictif, même si ce lieu est situé en Californie. Il est innervé par les mythes américains comme la ruée vers l’or, la frontière… Les Etats-Unis sont une terre de migration où l’on peut renaître, se réinventer.
Le vrai personnage du roman est le chantier, un microcosme qui répercute les tensions du monde contemporain, même la grâce et la beauté. On y trouvera donc une histoire d’amour, un meurtre, une histoire d’ours sauvage… Maylis de Kerangal s’est beaucoup documentée sur les techniques de construction. Cependant il se posait un problème littéraire : comment utiliser un vocabulaire très technique dans le roman ? Elle a décidé de l’assumer et de créer une poétique du chantier en l’utilisant.
L’avis de Paroles d’Encre : « Un livre superbe, le prix Médicis ne s’est pas trompé ! »
Naissance d’un pont, Maylis de Kerangal, Ed. Verticales
Il est bon de rappeler les origines de Robert Solé et son histoire. Né en Égypte, mais égyptien d’adoption, sa famille, comme beaucoup d’autres, a quitté le pays après les événements autour du canal de Suez provoqués par Nasser. Il a occulté ses souvenirs, tourné la page et n’a plus regardé en arrière pendant 25 ans, pour s’intégrer totalement à la France, pays qu’il ne connaissait que par les livres. Mais un jour il a été rattrapé par son passé et est retourné en Egypte. Ce pays avait beaucoup changé.
Le roman a un caractère autobiographique et est le prolongement de son premier roman Le Tarbouche. Il est basé sur une famille imaginaire et le narrateur, Charles, est le même dans les deux ouvrages. Il se rend régulièrement au Caire et réside chez sa tante Dina. Il vient là en regardant dans le rétroviseur, obsédé par un passé occulté depuis longtemps, un paradis perdu.
Tout le roman se passe au cours d’une soirée que donne sa tante dans la maison familiale. Y sont présents des gens qui incarnent l’Egypte traditionnelle et d’autres l’Egypte moderne. La rédemption du narrateur viendra quand il comprendra que le paradis perdu n’était pas un vrai paradis, lui permettant de regarder enfin le présent.
Ce livre a mis des années à être écrit, Robert Solé a tourné autour, ne sachant pas quel bout le prendre. « On écrit un livre aussi parce qu’on a besoin de l’écrire » dit-il, insistant sur la question de la maturité nécessaire.
S’il se sent 100% français, il se sent être autre chose aussi. Cependant il ne se sent pas réellement égyptien à cause de ce lien rompu pendant plus de vingt ans, l’Egypte est plus pour lui un objet d’études.
Il annonce que son prochain roman sera « différent ».
L’avis de Paroles d’Encre montre qu’il a réussi son pari : « Ce roman nous touche car il parle du territoire de l’enfance, du paradis perdu et de l’exil. »
Une soirée au Caire, Robert Solé, Ed. Le Seuil
Je vais me risquer pour la première fois à un avis personnel. Je n’ai pas été enthousiasmée par la façon de Maylis de Kerangal de parler de son livre, que du coup je n’ai pas acheté ce soir-là. Depuis j’ai lu de nombreuses critiques favorables. Cette anecdote nous rappelle que les écrivains sont d’abord compétents à leur table de travail, stylo ou clavier en main. Mais savoir en faire une bonne promotion est une autre histoire. Robert Solé m’a touchée dans sa façon d’aborder les questions d’identité liées à l’exil, au désir d’intégration et au retour vers les racines.
Pour tous renseignements sur le fonctionnement de l’association ou son programme, vous pouvez écrire à parolesdencre@wanadoo.fr.
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Je suis d’accord avec toi : les auteurs ne sont pas toujours les mieux placés pour parler de leurs livres. Les médias nous ont habitués à des professionnels de la communication, du charisme à deux balles et tout, alors quand un écrivain dont le boulot est d’être seul et d’écrire se retrouve devant les caméras, ça n’est pas toujours efficace… mais ils ont quand même la possibilité de refuser ce genre d’exercice…
Lors de nos rencontres ils n’y a pas de caméra mais un côté solennel car cela se passe dans un amphi et les auteurs sont sur une estrade.
Certains sont très bons dans l’exercice (L. Gaudé par exemple), d’autres moins.
Heureusement le public est vraiment amateur, du coup il n’y pas pas de mauvaises performances, seulement des moyennes.
Et tout ceci n’enlève rien à la qualité du livre de Maylis de Kerangal 🙂
J’ai déjà « Naissance d’un pont » dans ma liste, mais je ne connaissais pas Robert Solé. Ça me donne assez envie de lire son livre.
Je n’ai pas du tout, mais pas du tout aimé l’historie de ce pont… Un lâche abandon de lecture….
Toujours énervant ça les abandons… J’espère qu’il me plaira, je n’aime pas non plus abandonner mes lectures en cours de route…
Avez-vous lu « comme un roman » de Daniel Pennac ? Il y énumère les droits du lecteur et le droit n°3 est « le droit de ne pas finir un livre »
Pas de complexes, si vous n’aimez pas, lâchez et passez à autre chose 🙂
Le dernier livre que j’ai lâché pour ma part: Le livre sans nom. Pas réussi à entrer dans l’histoire. Avant ça, Les Bienveillantes. Peut-être que je reprendrais ça un jour…