Violent et dérangeant, ce texte nous raconte ce qui pourrait arriver si la violence devenait quelque chose qu’on pouvait monnayer !
Mais d’où t’es venue l’idée de lire ce livre ?
Après avoir découvert Tuer le temps des éditions de l’Abat-Jour, ils m’ont à nouveau contactée pour me proposer ce deuxième ouvrage. Vous pouvez aussi lire l’interview du traducteur sur le site Le Pandémonium Littéraire.
La quatrième de couv :
Il pleut en permanence sur Delta-02, la plus délabrée de toutes les villes verticales, agrégat sordide de buildings d’affaires et d’immeubles en ruines ; dans un monde où les ségrégations ethnique et sociale sont de mises, la sécurité règne en maître et la violence a disparu. Une nouvelle catégorie de personnes, les vics pour victimes, sert de défouloir à la population, à condition d’y mettre le prix : leur travail consiste à subir toutes les violences possibles durant des séances rémunérées, au cours desquelles ils perdent bien souvent la vie.
Phil et Garrett, deux amis désabusés, sont de ceux-là. Suite à un quiproquo, ils récupèrent un mystérieux médaillon menant à un magot considérable, et sont pris en chasse par toute la voyoucratie de la ville, dont les maffieux du Dabe, un parrain à l’ancienne, et les hommes de main du Boucher, un dealer sadique que personne n’a jamais vu. Les deux protagonistes livrent chacun leur version de l’histoire à la première personne, essayent de comprendre ce qui les a menés là et cherchent surtout un moyen de sortir du guêpier dans lequel ils se sont mis…
Une fuite en avant grotesque et désespérée, où l’on croise des petites frappes à la ramasse, un truand mythique, son rival expert en démembrement, des frangins psychopathes, un enculé de nazi, un flic retors en pré-retraite, un curé proxénète hyper-violent, des freaks livrés à eux-mêmes, un assassin courtois aux yeux de chien-loup, un enfant kamikaze, un chirurgien fou, une tueuse lesbienne, un illuminé avec une béquille, une secte anticonsumériste, des résidus de bidet à moteur, beaucoup de crapules sans retour et des frappadingues encore plus louches.
Mon avis :
Delta-02, comme les autres districts de ce monde un peu à part, vit à deux vitesses: d’un côté, il y a ceux qui vivent « à la verticale », dans des immeubles d’où ils ne sortent jamais, empruntant des souterrains et des passerelles pour passer d’un immeuble à l’autre, de leur lieu de travail à leurs lieux de loisirs; de l’autre côté, il y a ceux qui vivent « à l’horizontale », dans la rue, supportant la pluie devenue dangereuse pour l’homme car elle « bouffe » à la peau, allant de petits boulots en galères interminables. Et les petits boulots, il n’y en a pas tant que ça dans la rue: prostituée, voyous, dealers, ouvriers dans des conditions misérables ou vics, comme Phil et Garett. Vics pour victimes consentantes. Car, officiellement, à Delta-02, comme dans tous les autres districts, la violence a disparu. « Aucun crime de sang a été recensé dans le pays depuis plus de vingt ans, vous voyez l’ampleur du canular, la saladerie totale, le topo il est simple, la chair à canon c’est un emploi rémunéré. On peut embaucher des zouaves pour les fumer. C’est là que les vics entrent en scène. Tuer un 2AP c’est pas un meurtre mais la réalisation d’un contrat. »
Plus de meurtres donc, plus de viols, plus de vols… en tout cas, pour ceux qui habitent « à la verticale ». Pour les autres, il faut bien trouver un moyen de s’en sortir. Et comme la violence fait partie de la nature de l’homme, il ne reste qu’à la monnayer. Être payé pour se laisser taper dessus, pour prendre des coups de poings ou de poignards, accepter même de perdre un membre, ou se laisser tabasser à mort pour rentrer un peu de fric, pour aider sa famille. C’est ça le quotidien de Phil et Garett. Mais pour eux, la violence va encore monter d’un cran quand ils vont se retrouver, un peu par hasard, en possession d’une caps, petite lentille qu’on place sur l’œil pour vivre les souvenirs d’un autre. Celle-ci a de particulier d’indiquer l’emplacement d’une grosse somme d’argent. Ce qui tomberait assez bien pour les deux compères. Même si, bien sûr, les ennuis ne font que commencer pour eux.
Récit alterné à la première personne de Phil et Garett, on s’y perd parfois un peu dans le fil de la narration. Mais n’oublions pas que ce texte a été écrit, semble-t-il, par un SDF dont on ne sait pas grand-chose. Fortement déconseillé aux âmes sensibles, ce texte est particulièrement violent, dans le langage bien sûr, très argotique, mais surtout dans les scènes décrites et les situations que vivent ceux qui se trouvent « à l’horizontale ». Violence gratuite pour le plaisir de choquer ? Non, bien sûr que non. Il suffit d’imaginer pendant quelques secondes ce que serait un monde où on aurait le « droit » de violenter, de tuer, simplement parce qu’on a les moyens de payer, pour savoir que cette violence est là, toute proche, attendant juste le moment d’être légalisée pour éclater au grand jour… Dérangeant. Très dérangeant…
Extraits :
Un premier extrait a été publié dans l’extrait du mardi.
Lire le premier chapitre sur le site des éditons de l’Abat-Jour.
Détails :
Auteur : Herbert J. Pastorius
Traducteur : Thomas Dorville
Editeur : Éditions de l’Abat-Jour
Date de parution : 2011
294 pages
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Très dérangeant, en effet. Rien que le titre est un pousse au crime.
Oui, c’est sûr, le titre est un peu racoleur. Le livre est intéressant. C’est juste qu’il vaut mieux être prévenu du contenu avant de s’y lancer…