La douleur de ne pas avoir de « vrais » parents mise en parallèle à la douleur de ne pas pouvoir avoir d’enfants. Ces destins vont-ils se rejoindre ?
La quatrième de couv :
«Une fugue, ça se passe jamais comme on veut, il arrive même qu’au beau milieu on y perde goût.»
Deux frères dont la mère a disparu et le père, flic, est trop absent, rêvent de la famille idéale, «vue à la télé». Les deux gamins décident un jour de fuir leur grise réalité pour partir en quête des parents parfaits…
Un médecin gynécologue cherche dans sa piscine laissée à l’abandon la réponse à la stérilité de son couple…
Entre cette fertilité désordonnée, substitut à l’infécondité, et le fantasme d’une mère enfin incarnée, une rencontre est-elle possible ?
Mon avis :
D’un côté, deux frères. Ce qu’on en sait ? Pas grand-chose. Le plus jeune à 8 ans, la mère est morte et le père est surnommé le « monoparental ». Pas de prénoms, pas vraiment de descriptions physiques. Ça pourrait être n’importe qui autour de nous. Ce qu’ils veulent ? C’est pas très compliqué, enfin dans leur tête, ça parait assez simple. Ils veulent la famille Ricoré de la télé : un père présent, une mère stéréotypée, le café au lait chaud à boire à l’ombre de l’arbre centenaire, des tartines avec de la confiture… Pas grand-chose au fond. Comme leur père actuel n’est pas vraiment sur leur dos, ils décident donc de partir, à la recherche de ce bonheur absolu.
De l’autre côté, ce gynécologue et sa femme. Lui passe sa vie à donner la vie. Malheureusement pour lui, toutes ses compétences ne lui servent à rien. Avec sa femme, ils ne peuvent pas avoir d’enfants. Pour conjurer le mauvais sort, il décide donc d’abandonner sa piscine aux bactéries. Elles au moins se développent et créent de la vie. Et puis ça l’occupe dans ce nouveau silence qu’est devenu son couple.
L’écriture soutient à merveille ici les deux narrations. Un langage relâché, imagé, à tu et à toi lorsqu’il s’agit des enfants. Un langage froid, austère, clinique lorsque le gynécologue s’exprime. Une belle poésie pour décrire les détresses et les manques de ces deux « familles » qui ne vivent pourtant pas si loin l’une de l’autre. Une grande tristesse aussi pour ces êtres écorchés par la vie. Une très belle découverte au fond.
Extraits
« Nous, de notre côté, avec notre parent on est plutôt tranquille, le père c’est pas le genre à jouer les totems, pas le genre à sonder l’état d’âme ni à resituer la morale. Nous on aurait plutôt été élevés à la maladresse, des gestes tout en angle, un manque total d’arrondi, et avec ça, assez peu de sincérité dans le jeu, des tas d’absences, des phases de rien. Avec le père, dès le début on aura été dans le rapport de force, un face-à-face fondé sur l’observation, jusqu’à ce qu’il estime, sûrement trop tôt, que c’était nous qui avions gagné. Depuis ce temps-là tout cequ’il demande c’est de pouvoir écouter ses infos tranquilles, vivre sa vie sur le mode perso, quant au reste on s’arrange pour éviter les contraintes […]. » p.19
« La famille vraie, celle qui se marre en cuisinant les pâtes, celle enjouée qui se passe le pain à table, ou plus idéale encore, la famille où tout le monde siffle au moment de prendre le petit déjeuner, celle qui trempe les tartines en attendant l’ami Ricoré, la famille bien lunée dont on voit le modèle chaque jour à la télé, après tout on y a droit, en tout cas on se la payera… » p.36
Détails :
Auteur : Serge Joncour
Editeur : J’Ai Lu
Date de parution : 27/01/2006
221 pages
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