Si toi aussi tu penses que la littérature s’est fait pour bousculer, te sortir un peu de ton confort habituel. Lis ce texte.
Mais d’où t’es venue l’idée de lire ce livre ?
J’avais déjà découvert Accident de personne. Et comme maintenant j’ai pris un abonnement illimité pour un an chez Publie.net… Oui, je sais, ce n’est pas très malin vu le nombre d’autres livres qu’il me reste à lire…
La quatrième de couv :
« C’est pas important de savoir d’où c’est venu ni quelle silhouette j’ai vue, sur quel bitume, et à quelle date, quel âge, et quelle ombre fouettait quelle autre, et dans quel sens, pourquoi. J’étais étudiant et puis je l’étais plus. J’ai écrit ça le long. Le long de moi-même et le long de tous les autres petits trucs que j’ai aussi écrits. Un premier roman, je tiens fort à la formule, qui aurait pu s’appeler, lui aussi, Fuir est une pulsion.
« D’abord un corps, l’adolescence sur la peau. Ca non plus, c’est pas très important. L’important, c’est la représentation mentale d’un membre manquant, ayant un jour appartenu à quelqu’un, mais aujourd’hui fourré au fond d’une benne sanitaire d’un hosto tout au nord ou tout au sud de la ville, n’importe quelle ville. Un membre manquant mais toujours là quand même, en sous-sol de soi-même, en surbrillance nerveuse, palpitant fort en permanence. On parle souvent du fameux « membre fantôme » mais qu’est-ce que ça dit de nous tous, au juste, que ces douleurs de désafférentation ? D’où elle sort la poésie qu’on lit sur les boites et notices d’antalgiques ? Est-ce que c’est vrai qu’on peut être, simultanément, en surimpression, deux personnes différentes ? Je crois qu’en fait, j’ai écrit Coup de tête comme j’aurais aimé un jour pouvoir le lire : les yeux fermés et plusieurs fois. Par coeur. Dans des mondes parallèles différents.
« J’ai pas compté le nombre de fois où le narrateur dit : « ma main droite », la manquante. Je suis rentré par là, dans sa gorge, pour comprendre quelle voix l’animait et comment elle disait les choses et quel était son timbre. Et parce que c’était un récit adolescent, il fallait que ce soit oral. Qu’on l’entende, aussi, de cette façon là, cette histoire.
« Quand on me demande, comme ça, ce que j’écris, voilà ce que je réponds le plus souvent : c’est l’histoire d’un mec qui a perdu sa main et qui veut la retrouver. J’ai rien à dire de plus. On me répond pas non plus.
Ainsi parle Guillaume Vissac, un de nos principaux expérimentateurs tous azimuts des nouvelles formes web et littérature (voir son site Fuir est une pulsion), de sa première tentative de roman – entendre : ce qu’on demande à un roman, personnages, histoire, limites…
Mon avis :
Parfois, tu vois (oui, ami lecteur, aujourd’hui je te parle en direct. Comme si tu étais assis en face de moi), j’ai juste envie de te dire : vas-y fonce. Te pose pas de questions. Ce texte il faut le lire. Fais-moi juste confiance. Mais je sais bien que tu ne vas pas me faire confiance, comme ça, les yeux fermés. Et qu’il t’en faut un peu plus pour aller t’aventurer vers ce chemin là…
Et pourtant, il te suffirait de lire cet extrait là pour savoir déjà un peu que ce texte tu vas te le prendre comme une grosse claque dans la tête. Parce que rien qu’avec ce tout petit extrait, tu sens déjà ce rythme si particulier qui va t’amener petit à petit dans un univers si proche du tien, mais si loin en même temps. Parce que ces dialogues qui te racontent, mais se racontent en même temps, parce que cette ponctuation hachée parfois, ces phrases suspendues en attente de… tu vois, tout ça, ça va te secouer un peu. Beaucoup même.
Alors l’auteur, il a beau te dire modestement que « c’est l’histoire d’un mec qui a perdu sa main et qui veut la retrouver« , tu comprends vite que c’est ça mais pas seulement. Tu vas vite te rendre compte que cet univers qui te semblait déjà différent du tien au départ, même si tous les codes connus sont là, cet univers-là va s’estomper, devenir un peu flou. Et puis tu ne comprendras plus trop du coup dans quel univers tu te trouves. Mais en même temps, est-ce que tu sais, toi, comment c’est cette main qui n’est plus là et qui pourtant se manifeste tout le temps? Est-ce que tu sais toi comment c’est la faim, la déchéance, les tours sur le banc. Est-ce que tu sais toi comment ça fait de tomber dans ces cas ? Est-ce que tu sais toi comment ça fait quand t’en arrives à te dire « Oh putain, je me dis, contente-toi juste de fermer les yeux pour que ça passe, fais juste en sorte que ça passe, putain, juste pour une fois que ça passe, que ça puisse passer. »
Si toi aussi tu penses que la littérature s’est fait pour bousculer, te sortir un peu de ton confort habituel. Si tu n’as pas peur d’être secoué, emporté par un texte. Lecteur. Fais-moi confiance. Lis. ce. texte.
Extraits :
Un extrait a été publié dans l’extrait du mardi.
Détails :
Auteur : Guillaume Vissac
Editeur : Publie.net
Date de parution : 2 mars 2013
240 pages
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Devant une telle injonction, je ne peux que noter.
Il le faut 🙂