Debout-payé - GauzOn ressort de Debout-payé sonné, amusé, effaré. A découvrir sans attendre !

La quatrième de couv :

Debout-Payé est le roman d’Ossiri, étudiant ivoirien devenu vigile après avoir atterri sans papier en France en 1990.

C’est un chant en l’honneur d’une famille où, de père en fils, on devient vigile à Paris, en l’honneur d’une mère et plus globalement en l’honneur de la communauté africaine à Paris, avec ses travers, ses souffrances et ses différences. C’est aussi l’histoire politique d’un immigré et du regard qu’il porte sur notre pays, à travers l’évolution du métier de vigile depuis les années 1960 — la Françafrique triomphante — à l’après 11-Septembre.

Cette épopée familiale est ponctuée par des interludes : les choses vues et entendues par l’auteur lorsqu’il travaillait comme vigile au Camaïeu de Bastille et au Sephora des Champs-Élysées. Gauz est un fin satiriste, tant à l’endroit des patrons que des client(e)s, avec une fibre sociale et un regard très aigu sur les dérives du monde marchand contemporain, saisies dans ce qu’elles ont de plus anodin — mais aussi de plus universel.

Un portrait drôle, riche et sans concession des sociétés française et africaine, et un témoignage inédit de ce que voient vraiment les vigiles sous leur carapace.

Mon avis :

Tout commence par cette longue file de nouveaux recrues. Leur point commun? Ils sont tous noirs. Congolais, Ivoiriens, Maliens, Guinéens, Béninois ou Sénégalais, ils se sont tous retrouvés pour décrocher un emploi dans les métiers de la sécurité. Parce que, c’est bien connu, «les noirs sont costauds, les noirs sont grands, les noirs sont forts, les noirs sont obéissants, les noirs font peur». Profil parfait donc pour Ossiris, étudiant ivoirien arrivé en France en 1990. Il va décrocher ce poste parmi les Debout-payé, ces boulots où il faut être « debout toute la journée», pour être « payé à la fin du mois».

De ce poste de surveillance, il va en ressortir des instantanés de vie extraordinaires. Chez Sephora ou chez Camaïeu, il observe et décortique notre société de consommation d’un ton incisive et souvent très drôle. Des «Chinois. Avec la quantité énorme d’habits fabriqués au pays de Mao, on peut dire qu’un Chinois dans un magasin de fringues, c’est un retour à l’envoyeur» au «Quitter Dubaï, la ville-centre-commercial, et venir en vacances à Paris pour faire des emplettes aux Champs-Élysées, l’avenue-centre-commercial. Le pétrole fait voyager loin, mais rétrécit l’horizon», il passe aussi, sans concession, aux considérations sur la mode «le motif léopard semble être à la mode chez un grand nombre de femmes. Des millénaires d’évolution pour avoir un pelage de camouflage parfait dans la forêt, aujourd’hui galvaudé pour se faire remarquer le plus possible en ville…». Et pour terminer, cette phrase sans appel «Si elle se répétait aujourd’hui, la prise de la Bastille libérerait des milliers de prisonniers de la consommation»…

Alors oui, il y a cette observation drôle et désabusée de la « faune » parisienne qui mérite un détour. Mais il y aussi l’histoire de cette immigration africaine en France. A partir des histoires des différents protagonistes, il va remonter jusqu’à l’âge de bronze, entre 1960 et 1980, avec la « création » des sans-papiers. Il défile l’histoire africaine en parallèle à celle de la France, les complots et le manque d’argent, d’horizon ici et les lois mises en place pour se protéger ou la crise là. Les chambres en foyers partagées, et toujours menacées de démolition. Puis vient l’âge d’or, entre 1990 et 2000, celui où Ossiris arrive en France, par besoin de prendre l’air, de découvrir par lui-même. Jusqu’à l’âge de plombs et le 11-septembre. Ce jour où « la planète entière vient de plonger dans l’ère de la paranoïa, le temps du tout sécuritaire. A partir de ce jour, le monde n’aura plus le même visage». Et à partir de ce jour-là, ceux qui inspiraient la peur aux potentiels voleurs, ceux qui étaient grand et costauds, vont inspirer à leur tour la peur aux potentiels employeurs…

Le récit est vif, sarcastique, moqueur envers tous, sans distinction de rang ou d’ethnie. Les deux aspects du roman sont habilement entrelacés, dosant à la perfection les piques du vigile d’un côté et le récit de cette immigration africaine. On en ressort sonné (par le rythme fou), amusé (des anecdotes), effaré (de notre société de consommation). A découvrir sans attendre !

Extrait :

Lire un extrait sur le site de la maison d’édition.

Un extrait a été publié dans L’extrait du mardi.

Détails :

Auteur : Gauz
Éditeur : Le nouvel Attila
Date de parution : 08/2014

 

Cet article a également été publié sur Hexagones – L’aventure du nouveau journalisme.

Cette chronique a déjà été lue 6018 fois.

%d blogueurs aiment cette page :