Faire défiler son passé, tenter d’y trouver les failles, pour ne pas faire subir ses manques à un nouveau-né.
Mais d’où t’es venue l’idée de lire ce livre ?
Repéré sur le blog de Livrogne un samedi matin, je rencontrais l’auteur l’après-midi même à L’été du Livre de Metz. Je suis repartie avec ses deux romans, celui-ci et Celle qui ne parle pas. Les deux seuls achetés ce jour-là.
La quatrième de couv :
« L’année passée les grands-mères sont parties, les parents sont devenus orphelins. Ils n’en sont pas inconsolables. Ils sont inconsolables de n’être jamais nés. Il y a beaucoup d’enfants qui ne naissent jamais, et des adultes qu’on n’a pas mis au monde. La mort a fermé les yeux des disparus et ouvert ceux des survivants, tous deux sont à présent parfaitement lucides. J’aimerais l’être moins. J’aimerais te consoler de naître dans cette famille-là. J’aimerais t’inventer un monde qui n’existe pas. J’aimerais être moins seule avec mes questions. De mon histoire j’ignore parfois ce qu’il y a à comprendre, mais je sais qu’il faut m’en débarrasser avant même de connaître ton visage, ton odeur et ta peau, ton premier cri. Pour ne pas te déranger trop tôt, pour conjurer les absences, les silences et la déraison qui rongent nos vies. Ce sont des histoires anciennes qui nous engloutissent pourtant et qui t’engloutiront sinon. Je préfère que tu naisses sans mensonge. La seule vérité c’est que j’attends. »
Mon avis :
Une femme, Angèle, attend dans la salle du médecin, le ventre rond. Alors qu’elle s’apprête à donner la vie, elle s’interroge. Comment laisser venir au monde son enfant, alors qu’on traîne déjà tout un lourd passé derrière soi ? Comment savoir si on va savoir aimer correctement, alors qu’on a soi-même manqué d’amour en étant jeune ? Ou qu’on a été mal aimé, parce que nos parents avaient déjà hérité eux-mêmes des carences de leurs propres parents ? Comment rompre ces fils qui se tissent de génération en génération à force de silence, de non-dits et de manques ?
D’une voix très douce, Capucine Ruat démêle ces fils, tente de trouver toutes les pièces nécessaires pour donner un sens à cette vie qui se profile. Mais, en même temps, le regard est sans concession sur ceux qui ont décidé de subir, dans le silence, le poids du passé. Alors elle attend cet enfant avec impatience Angèle, bien sûr, mais avec de l’appréhension aussi. Mais elle n’attend pas résignée, car elle ne veut pas faire subir à ce petit être son passé. Elle note les blessures, perce les secrets, recherche les moments où ça a dérapé. Parce que «de mon histoire j’ignore parfois ce qu’il y a à comprendre, mais je sais qu’il faut m’en débarrasser avant même de connaître ton visage, ton odeur et ta peau, ton premier cri. Pour ne pas te déranger trop tôt, pour conjurer les absences, les silences et la déraison qui rongent nos vies.»
Les mots remuent sans ménagement. C’est délicat, mais violent en même temps. Plein de pudeur, même si très intime. Un livre plein d’émotions.
Détails :
Auteur : Capucine Ruat
Editeur : Stock
Date de parution : 02/2011
140 pages
Cette chronique a déjà été lue 5834 fois.
Je l’avais remarqué aussi sur Livrogne.
Un roman au ton très français, on dirait.
Hum, je ne sais pas… Pourquoi un ton très français ? Tu ne penses pas que le sujet est universel et aurait pu (ou même a déjà été) traité dans un autre pays ?
Bonjour Cathy
C’est toujours un plaisir de partager des lectures avec toi et de lire tes avis… Tu parles très bien de ce livre !
Merci pour le lien !
Bonsoir Noann, merci à toi pour la découverte. Je serais passée à côté sinon. Et merci pour les compliments. A bientôt pour de nouvelles idées de lecture, partagées ou non !