A cette vue nocturne se superposa dans l’esprit de Maroued une autre, celle, trois jours auparavant, de l’arrivée des intégristes, tôt le matin, avec leurs barbes, leurs kamis, leurs sandalettes en caoutchouc, à l’université centrale pour la bloquer. Chargés de chaînes et de cadenas, les éclairs de la foudre divine dans les yeux, accompagnés de groupe étrangers à la fac, se prenant pour les représentants de Dieu, les représentants du bien absolu, de la vérité absolue, de la science infuse, occultant qu’au fond de leurs intestins, il y avait aussi de la merde qu’ils évacuaient au quotidien comme tout un chacun, ils ne pouvaient envisager une seconde qu’ils fussent truffés de contradictions, qu’ils eussent ce propre de l’homme de ne pouvoir par sa constitution […] être autre chose qu’un homme mû par l’inextricable machinerie combinant savamment on anarchiquement les zones d’ombre au cœur de la lumière. Croyant avoir dépassé tous les stades de l’ascèse et la sublimation, ils se jouaient à eux-mêmes et entre eux à qui assurerait avant les autres la route du paradis en accumulant le plus grand nombre de points, réduisant toute relation spirituelle ou toute question métaphysique à une logique de marchand de tapis.

Les sens interdits – Mourad Djebel

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